samedi 4 décembre 2010

Mare (4)


A peine remis de nos émotions de la veille, nous allons nous baigner à Eni, avant de déjeuner chez Pinaco. Au menu, salade de papaye verte, pomme de terre et poisson perroquet, puis bougna de poulet avec citrouille, patates douces et igname, accompagné de saucisses locales. Le bougna, plat traditionnel kanak, comprend des morceaux de viande (poulet, roussette…) ou de poisson, des tubercules (ignames, tarots, pommes de terre ou patates douces), des bananes poingo et des tomates. Le tout est arrosé de lait de coco, enveloppé de feuilles de bananier tressées, et (pour les puristes) cuit à l’étouffée dans un four à pierres chaudes. Un peu bourratif tout ça, mais c’est bon. Avant de débuter le repas, Pinaco nous demande qui fait la prière ; devant notre mine sans doute interloquée, elle prononce le bénédicité en nous regardant, ses lèvres esquissant un sourire. Elle nous fait remarquer que nous catholiques gardons les yeux ouverts pendant cette prière. Alors que les protestants, la prononçant yeux fermés, ne sont pas à l’abri des larcins gourmands !
Cette amusante remarque nous rappelle que Mare fut le théâtre d’une véritable guerre de religion. À la fin du XIXème siècle, elle fut évangélisée par des missionnaires français catholiques et par des pasteurs anglais de la London Missionary Society. Comme ailleurs, la confrontation entre les deux religions fut parfois sanglante, sans qu’il y ait de véritable vainqueur. Aujourd’hui, même si le protestantisme est majoritaire, les deux confessions sont présentes sur Mare. Les églises au toit de tôle rouge côtoient les temples au toit bleu ciel.
Après le repas, la vaisselle dans des bacs d’eau trouble et réchauffée par le soleil. Un parfait bouillon de culture ! Nous ne serons cependant pas malades, et ne garderons de ce repas que de bons souvenirs.




 Pinaco nous offre des vêtements (une belle robe missionnaire pour Caroline, et un T-shirt aux couleurs de la tribu pour moi), puis nous allons rendre visite à son cousin André, à qui elle doit apporter un « médicament » qu’elle fait elle-même (une boisson marron conservée dans des bouteilles en verre, et capable de soigner toute asthénie, stérilité, alcoolisme…). André est un homme d’une soixantaine d’année, intelligent et cultivé, compositeur de musique traditionnelle. Honoré par la visite de deux médecins, il nous offre à boire et nous parle longuement de la coutume, de la vie en tribu, des mythes mélanésiens. Il nous raconte comment il pèche à la sagaie, une longue perche de bambou munie à une de ses extrémités de trois pics mesurant une quinzaine de centimètres. Posté sur un surplomb, il guette les gros poissons et lance sa sagaie en visant l’arrière de la tête. Fascinés, nous l’écoutons relater la capture d’un poisson Napoléon. « Grand comme cette table », dit-il en désignant la vaste table de jardin en plastique blanc autour de laquelle nous sommes assis. L’animal, tué net, était tellement lourd qu’il ne pouvait le sortir de la mer ; il lui passa une corde par les ouïes, et le hala depuis la berge vers le village. Conformément à l’usage, André offrit sa prise au chef de tribu et en garda une grande fierté.


André et Pinaco évoquent également les requins et les serpents, les matchs de cricket, les mariages… Nous nous imprégnons petit à petit de la société et de la tradition kanak. Qu’on est loin de la France, dont le drapeau flotte néanmoins sur la gendarmerie à quelques kilomètres !
Toujours guidés par Pinaco, nous allons voir la grotte de Pethoen. Après une courte marche dans la forêt tropicale, nous arrivons à un gouffre rempli d’une eau bleue au sein de laquelle on distingue quelques grosses anguilles, serpentant tranquillement à la recherche de nourriture. Les parois supérieures de la grotte dégoulinent de grosses stalactites grises.

Nous finissons la journée par une nouvelle séance de snorkeling à la plage de Pede. Encore des poissons porc-épic, et une raie à points noirs et bleus. Pendant ce temps, Pinaco nous attend sur la plage. Lorsque nous nous quittons le soir, elle nous offre une papaye et de nouvelles couronnes de fleurs de tiaré de son jardin.

De retour à l’hôtel, nous prenons un verre avec Marcel, qui nous demande si on peut le ramener chez lui. Pas de problème, on y va… En chemin, on s’arrête dans une épicerie, où on rencontre une autre Maman que nous ramenons également chez elle... Marcel, qui s’est acheté des bières, me conseille d’essayer le kava, une racine de poivrier du Vanuatu consommée de manière rituelle en Océanie. « C’est bien mieux que ça », me dit-il en montrant ses bières… On y songera !

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