lundi 20 décembre 2010

Sur les terres de la tribu de Goro

Aujourd’hui, nous partons sur les terres de la Tribu de Goro, qui vendit son âme (du moins son territoire) au Diable… Nous empruntons la route du Mont Doré, que nous connaissons déjà bien, et filons cette fois-ci vers Prony.

Nous nous arrêtons un instant sur les berges de la rivière des pirogues, qui charrie un sable d’un beau rouge sombre.

Le long de la route se dressent quelques panneaux ésotériques… Le Bunchy Top est une maladie virale affectant le bananier, l’empêchant de produire des fruits. Elle est transmise par les pucerons.
Bientôt, nous sommes arrêtés par des gués peu profonds, que notre Twingo passe sans encombre.

Depuis le col de Prony, la vue sur la côte Sud-Est est magnifique. Surtout pour moi, qui porte des lunettes aux verres polarisés. 
               Le panorama vu par Caroline… Pas mal
               Le panorama vu par Vincent… Dément
Le Sud de la Nouvelle Calédonie est bordé par un lagon protégé, dont l’intérêt et l’originalité sont internationalement reconnus, comme en témoigne son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008. En plus des merveilles que nous avons pu voir ailleurs, cette zone héberge entre juillet et septembre des baleines à bosses qui viennent y mettre bas et élever leur baleineau. Il est également habité par les beaucoup moins fréquentables grands requins blancs, ce qui freine quelque peu nos envies de baignade.
Nous arrivons peu avant midi à Prony. Ce ravissant village est aujourd’hui un lieu de villégiature pour agoraphobes. Jadis, Prony fut peuplée de berbères exilés du fait de leurs velléités indépendantistes… Les bagnards étaient employés à couper du bois pour les maisons de Nouméa.
La rue principale (il y en a deux autres) est un chemin de terre rouge planté de majestueux araucarias et de cocotiers, et sur lequel donnent quelques maisons de tôle colorée. Il n’y a pas d’autre bruit que le chant des merles des Moluques.
Allo Maman ? Devine d’où je t’appelle !
La rue aboutit à une petite baie où se trouvent les seuls habitants vertébrés que nous rencontrerons à Prony : deux oies dont les plumes sont légèrement teintées de rouge. Vu la couleur de l’eau, pas sûr que ça parte au lavage.
Les bâtiments de pierre construits par les bagnards sont enlacés par les racines des figuiers banians. Un chapeau sur la tête, et on se prendrait pour Indiana Jones dans la forêt Cambodgienne.

Les chemins environnants sont ponctués des vestiges parfois tragiques de la vie carcérale. Ainsi, deux cimetières luttent tant bien que mal contre les assauts de la végétation luxuriante. Celui des gardiens et administratifs est au centre d’une clairière relativement respectée. Les tombes sont rectangulaires ou circulaires, en fonction de l’origine du défunt (les japonais étaient enterrés assis), et décorées de bénitiers et de porcelaines tigre blanchies par le soleil. Le cimetière des bagnards est en pleine forêt. L’emplacement des tombes est à peine visible, sous la forme d’un monticule oblong soulevant les racines et parfois marqué d’un bénitier.

Le chemin est d’autant plus long  que la faune et la flore sont riches : nous nous arrêtons régulièrement pour des séances de photo.




Caroline est accro à son téléphone


Alors que le chemin traverse un bosquet, le sol est parsemé de petites sphères granuleuses de 2 mm de diamètre, évoquant des déjections d’un insecte de grande taille. Les feuilles de l’arbre nous surplombant portent les stigmates de repas répétés, confirmant mon sentiment. Je secoue énergiquement une branche, quelques feuilles tombent, et nous y retrouvons l’animal mystère que nous avions déjà vu dans le parc de la rivière bleue. Une photographie de sa face ventrale montre qu’il s’agit d’une larve de papillon (3 paires de pattes, 5 paires de fausses pates = vraie chenille). Si vous avez une idée sur l’identification, je suis preneur !

Nous repartons vers le Nord en longeant la côte Est, et arrivons sur les terres de la tribu de Goro. De très loin, on distingue un panache de fumée blanche naissant d’une vaste zone où la forêt a disparu.

C’est une énorme usine de nickel et de cobalt, exploitée par la société Vale Inco (anciennement Goro Nickel). Elle fonctionne selon un procédé innovant : le minerai est mêlé à de l’acide sulfurique à haute pression, et toutes les étapes de purification se font à partir de ce mélange. Les effluents (qui contiennent du chrome, du cadmium et du sulfate de calcium) sont rejetés dans le lagon, à une vingtaine de kilomètres de là. Oui, dans ce même lagon protégé par l’UNESCO…
                                        Magnifique

Connaissant vaguement l’esprit kanak, et notamment leur conception de la propriété, on ne peut être qu’étonné qu’un tel monstre se soit développé sur des terres tribales. A quel prix les chefs de Goro ont-ils cédé ce terrain ? Etaient-ils conscient de ce qui allait s’y développer ?
On perçoit un certain sentiment d’opposition, notamment à la pollution du lagon. Des inscriptions « Non au tuyau » sont lisibles sur la route et sur quelques panneaux.
Quelques kilomètres plus loin, la Nature a repris ses droits sur une autre usine métallurgique. C’est l’ancienne usine de Goro, qui fut exploitée avant la seconde guerre mondiale par les Japonais. Le gris du béton émerge à peine de la forêt luxuriante. D’immenses grues rouillées émergent péniblement des eaux du lagon, probablement plus pour longtemps. Le tableau évoque une œuvre de Miyazaki, et on est pris d’un certain optimisme.

Encore une petite randonnée autour de l’ « Ecolodge Kanua Terra », hôtel récemment construit au milieu de nulle part (au bord de l’eau, tout de même). Là encore, le paysage est magnifique.

Puis nous allons planter notre tente au gite Iya. Après un dîner de rois (crevettes locales pour Caroline, popinée c'est-à-dire cigale de mer pour moi), Caroline va se coucher et je suis l’objet de l’attaque du bernard-l’ermite enragé… Puis, équipé d’une lampe frontale, je fais un tour sur la plage, et y trouve des chitons de fort belle taille (12 cm). Bizarrement, impossible de les retrouver le lendemain. Moi qui pensais que ces mollusques primitifs étaient aussi mobiles que des berniques… En fait, il semblerait que les chitons soient casaniers : ils se déplacent la nuit pour manger, et retournent toujours exactement au même endroit dans la journée. 
                                   Chiton en vadrouille

     Chute d'eau à proximité du camping
                                        Et ses habitants

Nous commençons la journée suivante par une séance de snorkeling en face de notre tente. Encore une tortue (on s’en lasserait presque), des poissons-lime, des nasons, et plein d’autres choses.
L’après-midi, on se fait une randonnée en plein cagnard à proximité du lac de Yaté. On a failli mourir de soif.

De retour à Nouméa, nous dinons chez Cédric et Marie-Pierre, des amis de Jean-François. Ils habitent une splendide maison ancienne de style indonésien, dans la vallée du Tir. Notre appartement parisien ne nous manque pas trop…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire